Annoncé en grande pompe en 2018, le projet Burkina Sat-1 a suscité de grands espoirs et des rêves ambitieux. Le Burkina Faso était en passe de devenir le premier pays d’Afrique francophone à concevoir son propre satellite, une fierté pour des milliers de Burkinabè. Pourtant, en mars 2025, sept ans plus tard, cette ambition spatiale reste clouée au sol. Burkina Sat-1 n’a pas encore franchi la troposphère, et l’attente persiste. Qu’est-ce qui explique ce retard ? Quels enjeux porte ce projet pour notre pays ? Cet article plonge dans cette saga spatiale pleine de promesses… et de doutes.
L’Homme derrière Burkina Sat-1 : Pr Frédéric Ouattara
Né le 9 décembre 1966 à Koudougou, dans la cité du cavalier rouge, le professeur Frédéric Ouattara est une sommité en physique spatiale, reconnu bien au-delà des frontières du Burkina Faso. Professeur titulaire en héliophysique et météorologie de l’espace, il est aussi thermicien, épistémologiste, historien et didacticien des sciences – un parcours aussi vaste que les étoiles qu’il étudie.
Bien qu’il ait d’abord rêvé de médecine, c’est vers les mathématiques et les sciences physiques qu’il s’est tourné. Après un baccalauréat série C au Lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, il obtient une licence en physique pure à l’Université de Ouagadougou en 1991. Il poursuit à l’Université de Cocody (Abidjan), décrochant un DEA en 1994 et une thèse de 3e cycle en géophysique (énergie solaire) en 1998. En 2005, il complète un master en histoire, philosophie et didactique des sciences à Montpellier II, avant de couronner son parcours avec un doctorat d’État en physique et héliophysique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en 2009.
À la tête de l’Université Norbert Zongo de juin 2019 à 2022, il a marqué cette institution par sa rigueur et ses innovations, avant d’être nommé ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation sous Roch Kaboré. Initiateur du programme satellitaire burkinabè en 2019 via son Laboratoire de Recherche en Énergétique et Météorologie de l’Espace (LAREME), il est le père de Burkina Sat-1, un projet visant à révolutionner l’agriculture, la gestion de l’eau et la prévention des risques naturels au Burkina.
Auteur de plus d’une centaine de publications scientifiques, ses travaux sur les couches ionisées et le climat lui ont valu le prestigieux « Prix Afrique pour l’Excellence de la Recherche en Physique Spatiale » de l’Union Américaine de Géophysique (AGU) en 2018 à Washington, ainsi qu’une place parmi ses membres. Élevé au rang de Chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques (2013), de l’Ordre de l’Étalon (2019) au Burkina, et de l’OIPA-CAMES (2019) à l’international, il incarne l’excellence scientifique africaine.
Pr Frédéric OUATTARA
De Vienne à Ouagadougou : La Genèse d’un projet ambitieux
Selon le Pr Ouattara, c’est lors d’une conférence de l’UNOOSA à Vienne que l’idée de Burkina Sat-1 lui est venue à l’esprit.Ce rendez-vous mondial, dédié à l’utilisation pacifique de l’espace, a été un tournant. Confronté aux avancées de pays souvent mieux dotés, il s’est convaincu que si des nations aux moyens modestes entraient dans l’aventure spatiale, le Burkina Faso le pouvait aussi. Inspiré par les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, qui valorisent le potentiel spatial pour relever les défis mondiaux, il a élaboré une vision : doter son pays d’un satellite conçu localement. Burkina Sat-1 devait être le premier d’une série, visant à faire du Burkina un acteur du New Space en Afrique de l’Ouest, avec la science et la technologie au cœur du développement.
Les objectifs du programme
Le Burkina Faso fait face à des défis comme l’insécurité alimentaire, l’accès à l’eau et la crise sécuritaire. Dans ce contexte, un satellite peut sembler secondaire. Pourtant, comme le dit le Pr Ouattara : « C’est parce que les gens ne savent pas que les problèmes terrestres se résolvent à partir de l’espace. » Loin d’être futile, Burkina Sat-1 vise des besoins fondamentaux dans une logique de développement durable.
L’agriculture, un des piliers de notre économie, en bénéficiera directement. Le satellite suivra la pluviométrie, cartographiera les terres cultivables et détectera les changements de végétation, aidant les agriculteurs à optimiser leurs rendements. Lors d’un interview au Tribunal de l’Actualité le 12 avril 2023, le Pr Ouattara expliquait : « Aujourd’hui, pour maîtriser ce qui se passe sur notre sol (eau, nourriture, santé, éducation), il faut des leviers dans l’espace. Nos parents regardaient le ciel pour prévoir la pluie ; avec le changement climatique, nous avons besoin d’outils modernes. »
Au-delà, Burkina Sat-1 soutiendra la gestion des ressources en eau, la prospection minière et la prévention des risques naturels, grâce à des images haute résolution du sous-sol.
Un repportage de la RTB sur le projet Burkina sat 1 , réalisé en 2020
Phases de développement du projet
Concevoir et lancer un satellite demande plusieurs étapes. Pour Burkina Sat-1, trois phases ont été définies :
Station de réception au sol : Une antenne et un centre de contrôle, opérationnels depuis le 27 août 2020, pour capter les données.
La station de reception au sol
Construction du CubeSat : Ce petit satellite modulaire a été assemblé et programmé par des ingénieurs burkinabè, démontrant notre savoir-faire. En septembre 2023, le Pr Issa Abdou Moumoula, alors président de l’Université Norbert Zongo, déclarait : « Le CubeSat est prêt. Il reste à l’acheminer à Pékin pour des tests avant lancement. » Financé intégralement par l’État burkinabè, le satellite était alors en bonne voie.
Le Cube sat
Lancement : Nécessitant une fusée, cette étape repose sur la Chine, pays partenaire. En décembre 2023, Simon Cephas Bamouni, chargé de communication, annonçait sur Facebook que le CubeSat était à Pékin, testé et ajusté pour être mis en orbite “très bientôt”.
Une attente interminable : Mars 2025 et toujours Rien
Initialement prévu pour 2020, puis repoussé à 2022 et enfin à fin 2024 après une tentative avortée en mai 2024, le lancement de Burkina Sat-1 n’a toujours pas eu lieu. En mars 2025, le satellite reste cloué au sol. L’équipe du projet brille par son silence, laissant la situation dans le flou total. Des problèmes logistiques, des tests prolongés, des contraintes budgétaires ? En attendant les éventuelles informations officielles, on ne peut que imaginer... Verra-t-on un jour ce satellite en orbite, ou juste une énième annonce envolée ?
En tout cas, gardez un œil sur SpaceAirMasters – si ça décolle, on sera là pour le raconter.
Université Norbert Zongo de Koudougou
https://lastronomieafrique.com/burkina-sat1-le-premier-satellite-du-burkina-faso/
Page Facebook Burkina Sat 1
https://www.mesrsi.gov.bf/accueil
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