Pourquoi pas de sièges éjectables pour les avions de ligne?

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La question des sièges éjectables pour les avions de ligne est un sujet qui revient beaucoup de fois. Les avions de chasse en sont équipés, ce qui permet au pilote de s'éjecter en cas de danger en vol . Pourquoi alors ne pas en mettre aussi sur avions de ligne pour sauver non pas une ou deux, mais des centaines de vie en cas de d'urgence? Eh bien, la vie des passagers comptent bel et bien aux yeux des ingénieurs, mais c'est bien plus difficile à appliquer que ç'en a l'air. Comprenons ensemble pourquoi les avions de ligne n'en sont pas équipés malgré les multiples critiques et suggestions au cours des années. Il n'y a pas mal de raisons, je vais les diviser en plusieurs catégories afin que vous compreniez mieux.
Serrez les ceintures, c'est parti.


Un peu d'histoire d'abord


Au début de l'aviation, les avions volaient très bas et à faible vitesse, donc en cas de problème, le pilote n'avait qu'à sauter et espérer éviter trop de blessures. Mais avec l'ère du jet, dette solution est devenue impensable. Lors de combats, surtout durant la première guerre mondiale, les ingénieurs ont commencé à réfléchir sur des systèmes permettant de sauver la vie du pilote lorsque l'avion était abattu en l'air ou intercepté par un projectile Air-Sol. Les premières idées tournaient plus sur des systèmes de lancement vers le bas grâce à des ressorts, mais cette idée fut sans succès. C'est l'industrie britannique Martin-Baker qui a réussi à finalisé un système d'éjection fonctionnant pratiquement comme on le connait aujourd'hui, et c'était après la seconde guerre mondiale. Le premier test de vol d'un Martin Baker a eu lieu en Juillet 1946.

les premiers vols
Les premiers vols _très basse altitude_

Rappelons que les industries Mikoyan et Zvezda de l'union soviétique ont aussi réussi à développer des sièges éjectables durant la même période.
En ce qui concerne les avions civils, voilà les principales raisons pour lesquelles il n'y a jusqu'à présent pas de sièges éjectables.


QUESTION DE COMBINAISON


Remarquez que les pilotes de chasse ont des combinaisons spéciales pour résister aux grandes vitesses de plus de 800km/h et à la dépressurisation, et à l'augmentation relative de la pesanteur, plus de 8G. Ils se font même aider pour pouvoir les porter avant de monter dans le cockpit. Imaginez un instant qu'on demande aux passagers qui embarquent dans un avion de ligne, très bien habillés, d'enfiler des combinaisons encombrantes, lourdes et suffocantes pour faciliter la manoeuvre en cas insouhaitable et improbable d'une urgence d'éjection. La plupart des passagers n'accepteront pas d'enfiler des combines à bord. Et s'ils refusent, et si toutefois il y a nécessité de s'éjecter, ils n'auront jamais le temps de les mettre à bord, en tout cas pas s'il s'agit vraiment d'une situation extrême qui nécessite l'usage des sièges éjectables.

pilote qui s'éjecte
Un pilote de chasse qui s\'éjecte; remarquez la violence de l'impact

QUESTION DE FORMATION


Les pilotes des avions de chasse sont extrêmement formés. Ils savent garder le calme même en cas d'urgence, et savent comment s'éjecter. Ce qui n'est pas le cas pour les civils, ils n'y connaissent rien, et cela va déjà compliquer les choses. Il ne suffit pas de s'éjecter, il faut atterrir après. Et on ne devient pas parachute avec quelques minutes d'astuces avant un vol. Certains vont déployer le parachute très tôt et mourir en altitude, d'autres vont tellement avoir peur qu'ils vont s'évanouir après l'éjection , ils ne vont donc pas déployer le parachute, et c'est pour s'écraser au sol. D'autres vont peut être oublier de le déployer dans la joie d'avoir échappé au désastre de l'explosion de la cabine après l'éjection. Certains encore vont probablement rencontrer des difficultés parce qu'ils ont négligé la démonstration des membres de l'équipage au sol avant le décollage

combinaison de pilote de chasse
Une combinaison pour les pilotes de chasse

QUESTION DE FAISABILITE


Les avions de chasse sont relativement petits, et la surface du cockpit s'ouvre rapidement. D'ailleurs, l'éjection suppose de passer au dessus de la dérive, alors que pour les avions de ligne, elle est plus longue que celle des avions de chasse. Beaucoup de passagers vont se cogner entre eux, d'autres vont heurter les ailes s'ils ont eu la chance d'éviter les réacteurs, certains seront piègés par l'empennage. De plus, Il faudrait prévoir une ouverture pour l'éjection au dessus des sièges. Il faut donc que le fuselage soit extrêmement résistant pour ne pas se désintégrer en vol en haute altitude les secondes après l'ouverture du toit, avec la différence de pression et la vitesse élevée.
Mais en même temps, que fait-on pour les avions à deux niveaux, comme le A380, le B747?
Qu'est ce qu'on fait pour les passagers qui sont en bas, on les sacrifie?

A380
le gros porteur A380. Remarquez qu'il a deux niveaux pour les sièges, et sa dérive est très haute avec une très grande envergure

LES CONDITIONS EXTERIEURES


En altitude de croisière, les avions de ligne volent généralement à 35000 pieds (autour de 12km), et il fait très froid. La température extérieure est d'environ -50°c. En cabine, il y a une pressurisation qui permet de respirer, parce que la pression extérieure descend à 240hPa. Pourtant nos poumons sont habituées à la pression atmosphérique, 1013hPa. Dans de pareilles conditions, ce serait la mort assurée pour des amateurs.

atmosphere et evolution de temperature
L'évolution de la température dans l'atmosphère terrestre


TEMPS DE REACTION ET PANIQUE


Maintenant, si on oublie le fait d'ouvrir le toit et qu'on équipe les sièges de parachutes pour que les passagers sautent, il y'a encore les conditions extérieures à prendre en compte. De plus, il va falloir que les passagers sautent un à un comme lors des opérations parachutistes militaires, à intervalle plus ou moins régulier. Ceci est pratiquement impossible pour les civils. Pris de panique, tout le monde voudra sortir le plus vite possible (en pensant premier sorti premier sauvé). Les passagers vont se heurter, se bousculer, essayer d'empêcher les uns de passer ou de sauter avant eux.

des parachutistes militaires
Parachutistes militaires, alignés et parés au largage

QUESTION D'ARGENT


On évite trop souvent de l'évoquer, mais c'est très souvent l'obstacle numéro 1. Un bon parachute neuf coûte environ 5 000 euros. Imaginons un avion de 300 passagers. Cela fait des millions d'euros juste pour équiper les avions d'un matériel qui a de très fortes chances de ne jamais être utilisé. Un siège éjectable comporte plus de 3000 pièces et pèse près de 100kg. C'est à peu près le poids moyen d'un passager et tous ses bagages compris (c'est comme si les passagers avaient déjà embarqué alors qu'ils ne sont même pas encore à bord, ni les bagages convoyés). On arrive à une situation ou prend indirectement le double de la charge utile, soit deux fois plus de carburant à prévoir. De plus, un siège éjectable nécessite une maintenance assez régulière car il faut s'assurer qu'il soit opérationnel. Inutile de vous rappeler que les maintenances et les tonnes de kérosène qui s'en suivent reviennent très chères aux compagnies aériennes. Il y a là beaucoup de dépenses, alors que statistiquement parlant, les cas d'urgence de ce genre arrivent très très rarement. Et de nos jours, les technologies de sécurité aéronautique sont aussi développées que quand une urgence arrive (pas plus d'une fois par an d'ailleurs), elle n'est pas tellement extrême au point où on ait besoin de faire recours à des sièges éjectables.

euros

Une mince lueur d'espoir


Pour les avions légers, il y a déjà des systèmes de parachute qui peuvent être déployés et ralentir l'avion si toutefois il y a un souci en vol et que l'aéronef tombe. En 2016, Vladimir Tatarenko, un ingénieur russe a proposé un brevet permettant de détacher la cabine en vol pour les aérodynes aussi, et de la recueillir au sol grâce à des parachutes plus grands, des rétrofusées et des flotteurs. Le problème est que cela imposerait une structure particulière à tous les avions, un empennage élevé, des ailes plus hautes. Outre ce problème de design qui ne peut visiblement pas être un obstacle au regard de l'idée noble qui est derrière, il y a d'énormes risques d'explosion à cause des rétrofusées ou même d'adhésion du fuselage à cause de la compartimentation, qui va nécessiter plus de temps de maintenance et clouer les avions au sol plus longtemps encore. Mais c'est déjà une bonne idée, reste à trouver d'autres alternatives. Rien n'est jamais impossible en matière de technologie avancée. Pour plus de détails sur le projet de Tatarenko, je vous invite à lire cet article de MyFlightway

avion parachuté
Un ULM parachuté



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