Chaque année, des dizaines de milliers d’incidents sont recensés à travers le monde, principalement lors des phases critiques de décollage et d’atterrissage, quand les aéronefs évoluent à basse altitude. Si la plupart de ces collisions se limitent à des dégâts matériels, certaines ont entraîné des accidents graves, voire mortels.
Parmi les multiples menaces qui pèsent sur la sécurité aérienne, les collisions entre les oiseaux et les avions – appelées bird strikes – occupent une place particulière. Souvent sous-estimé par le grand public, ce phénomène constitue pourtant un risque réel et permanent, un casse-tête pour les compagnies aériennes, un cauchemar pour les pilotes.
Les Risques des Collisions Oiseaux - Avions
Un A400M "Atlas" endommagé après une collision avec un oiseau
L’énergie cinétique délivrée lors d’un impact entre par exemple un Vautour fauve de 6-9 kg et un avion léger évoluant à la vitesse de 140 kts (260km/h) est entre 15 500 et 23300 joules. L’énergie mise en jeu lors de ces collisions est d’une telle importance que les risques sont pléthore. Ils touchent plusieurs dimensions à la fois technique, opérationnelle, humaine, économique, et environnementale.
Il peut s’agir de panne moteur totale ou partielle (ingestion d’oiseaux dans les réacteurs), de dommages aux pales de turbine ou aux compresseurs réduisant l’efficacité des moteurs, ou d’une perte de contrôle partielle de l’appareil si les systèmes hydrauliques, commandes de vol ou circuits électriques sont touchés ; des bris ou fissures du pare-brise cockpit pouvant causer des blessures directes aux pilotes ; l’endommagement des bords d’attaque des ailes et de l’empennage (stabilité aérodynamique compromise) ; l’obstruction des sondes Pitot ou capteurs de pression entraînant de fausses indications de vitesse, la perturbation des radars météo et antennes de communication affectant la navigation et la sécurité.
Il s’en suit souvent des blessures de l’équipage par éclats de verre ou impact direct, des blessures passagers en cas de turbulences soudaines après un impact, des accidents mortels dans les cas extrêmes, des coûts de maintenance élevés, l’immobilisation d’appareils, retards et annulations de vols…
Un oiseau qui percute un pilote d’hélicoptère en plein vol. Extrait d'une vidéo de l'EASA (The Importance of Wearing Helmets when Flying a Helicopter)
Dans un contexte où le trafic aérien mondial ne cesse de croître, comprendre les causes de ces incidents et les solutions mises en œuvre pour les prévenir est devenu un enjeu majeur pour l’industrie aéronautique.
Technologies et Solutions de Mitigation des Collisions Oiseaux-Avions
Il existe plusieurs technologies innovantes actuellement utilisées pour détecter et prévenir les collisions entre les oiseaux et les avions. Ces dernières sont déployées dans les aéroports, les avions, et les systèmes de contrôle aérien.
Radars aviaires
Ce sont des radars spécialement conçus pour détecter les oiseaux en vol à différentes altitudes, notamment ceux qui sont proches des pistes. Des systèmes comme par exemple le Avian Radar ou Bird Radar utilisent des fréquences spécifiques pour repérer les mouvements des oiseaux dans un rayon de plusieurs kilomètres autour des aéroports. Ils peuvent distinguer les oiseaux des autres objets en mouvement, comme les avions ou les aéronefs légers, grâce à des algorithmes sophistiqués.
Le Robin Max Avian Radar
Caméras thermiques et infrarouges
Les caméras thermiques détectent la chaleur émise par les oiseaux, même dans des conditions de faible visibilité ou de nuit. Elles peuvent repérer les oiseaux à proximité de l'aéroport en utilisant des différences de température. Ce système est souvent associé à des logiciels de traitement d'image qui permettent de suivre les mouvements des oiseaux en temps réel.
En ce qui concerne les caméras infrarouges, elles sont souvent employées pour améliorer la visibilité dans les zones où les radars peuvent avoir des difficultés à détecter les oiseaux, comme les endroits à faible altitude.
Systèmes de gestion de la faune et contrôle des oiseaux
Certains aéroports utilisent des prédateurs naturels (comme des faucons ou des aigles) pour chasser les oiseaux de la zone autour des pistes. Ces prédateurs sont formés pour voler autour des aéroports et effrayer les oiseaux sans leur faire de mal.
Un oiseau (prédateur) effaroucheur
Des dispositifs utilisant des sons, des lumières clignotantes, ou des ballons effrayants sont placés autour des aéroports pour dissuader les oiseaux de s’approcher des zones à risque. Un personnel est très souvent déployé muni de canons à gaz ou des systèmes sonores qui imitent les cris de prédateurs pour effrayer les oiseaux. Ce sont "des effaroucheurs électroniques qui diffusent des cris de détresse d’oiseaux préenregistrés, des fusées détonantes, crépitantes ou sifflantes tirées depuis un pistolet propulseur".
Agent de la lutte animalière, familièrement appelé "Effaroucheur".
Dans d’autres aéroports, des faisceaux lumineux ou des lasers sont installés pour perturber les oiseaux et les éloigner de certaines zones sensibles.
Systèmes de détection et d'alerte pour les pilotes
Des Birdstrike Avoidance Systems (BAS) sont installés sur certains avions et peuvent détecter la présence d'oiseaux dans une zone spécifique autour de l'avion pendant le décollage ou l'atterrissage. Les informations peuvent être envoyées aux pilotes et aux contrôleurs aériens pour ajuster l'altitude ou la trajectoire de vol.
Systèmes de protection des moteurs et des avions
Il existe des grilles et protections des moteurs spécifiques, installées pour minimiser l'impact des oiseaux. Cela peut réduire les dommages en cas de collision, notamment sur les moteurs ou les nacelles. Par ailleurs, les avions modernes utilisent des matériaux plus résistants aux impacts, comme des composites dans les parties vulnérables des avions (par exemple, les moteurs et les vitres de cockpit). Ces matériaux peuvent réduire les dommages causés par une collision avec un oiseau.
Pourquoi y a-t-il encore des collisions avec les oiseaux ?
Malgré les nombreuses stratégies mises en place pour éviter les collisions entre les avions et les oiseaux, il y a encore des accidents pour plusieurs raisons. Les méthodes existantes sont relativement efficaces, mais elles ne peuvent pas garantir une élimination totale du risque.
Imprévisibilité des comportements des oiseaux
Le plus grand souci reste le comportement erratique des oiseaux. Ils peuvent changer de direction ou de vitesse de manière imprévisible. Cela rend difficile la détection ou l'évitement dans certaines situations. Par exemple, un groupe d'oiseaux peut soudainement se poser sur une piste ou changer de direction en pleine volée, ce qui est difficile à anticiper. De plus, lorsqu'un groupe d'oiseaux (comme des oies ou des mouettes) se déplace, il peut être difficile de détecter tous les oiseaux individuellement, surtout si certains se déplacent à grande vitesse ou à une altitude particulière que les radars ou capteurs peuvent manquer.
Limites des technologies actuelles
Bien que les radars et autres systèmes de détection des oiseaux soient efficaces dans certains contextes, ils ne sont pas infaillibles. Par exemple, les radars peuvent être influencés par les conditions météorologiques ou avoir des portées limitées. La densité des oiseaux est un autre facteur limitant. Par exemple, si un grand nombre d'oiseaux se trouvent dans une zone à risque, les systèmes de détection peuvent être submergés par la densité, rendant plus difficile l'identification et l'évitement de tous les oiseaux en même temps.
Image extraite de la video "How do starling birds flock" (Credit: BBC)
Limitations des mesures de contrôle de la faune
Les techniques de contrôle des oiseaux comme l'utilisation de faucons ou de sons répulsifs sont utiles à court terme, mais elles ne sont pas toujours suffisamment efficaces à long terme pour maintenir une réduction significative du nombre d'oiseaux près des aéroports. Les oiseaux peuvent aussi s'adapter aux dispositifs de dissuasion, réduisant leur efficacité.
Les méthodes actuelles sont efficaces, mais pas parfaites
Les efforts actuels sont une avancée majeure dans la réduction des risques de collisions avec les oiseaux, mais les limitations techniques, comportementales et environnementales font qu'il est impossible de garantir une élimination totale des risques. Les accidents sont souvent le résultat d'une combinaison de facteurs, et bien que les méthodes modernes aient diminué la fréquence de ces incidents, la prévention complète reste un défi constant.

Bengyendé
1 month agoUn post très intéressant ! Merci pour les éclaircissements apportés!